Sus' aux monstres : Le père [M]

« Mélin Ornedald est mandé par les hautes autorités des Unseelies et est prié de me rejoindre au plus vite, faute de quoi il ne pourra rien être fait pour l’aider. Je répète… »

La foule de la grande place de Tirn Ail, dense et impénétrable, décourageait les plus ardus enquêteurs dans leurs filatures et faisait la joie des pickpockets.
Darsha, n’ayant pas une enquête à mener pour la rattacher à la première catégorie et ne pouvant rejoindre la seconde à ce moment là car elle était en service, avait choisi une solution très simple.

Drapée avec prestance dans sa cape, elle était grimpée sur l’estrade du tableau d’affichage et s’était perchée, légère et agile comme un chat, sur le haut du cadre métallique du tableau.

Dominant ainsi la foule, bien en vue, elle avait joint ses mains en porte-voix et lancé son annonce à la cantonnade, de sa voix-officielle-attention-je-suis-sérieuse.
Non sans mettre bien en évidence la lame luisante de son épée et ses insignes - quoique discrets - militaires : La triple croix argentée de Nyx et le renard au croissant lunaire de sa caste, symbole des sournois assassins de lune.
Histoire qu’on la voie bien, et qu’on la prenne au sérieux.
Ces deux conditions remplies, le reste irait tout seul.

Mélin Ornedald

Mélin était la représentation même de l'idée principale que se faisait les gens sur les paysans. Travailleur de la terre, il semblait en être couvert peu importe qu'il fut dans ses champs ou, comme maintenant justement, au centre-ville. Cela était d'autant plus surprenant que, et il semblait que cela n'arrivait pas souvent, ses habits étaient d'une propreté certaine. La toile était plutôt grossière et résistante aux intempéries et l'on était loin de la coupe fine des costumes bourgeois, mais cela ne faisait que rendre plus chaleureux l'homme.

...qui pour l'instant écarté la foule de grands moulinets de bras espérant attirer l'attention de cette fidèle de Nyx qui était venue pour lui. C'est qu'il y avait urgence ! Et sa silhouette taillée par l'effort, assez imposante, l'aidait dans sa tache. Repoussant une mèche de ses cheveux roux qui lui tombaient sur son front couvert de sueur, il agita davantage le bras pour crier d'une voix forte :

"C'est moi ! C'est moi !"

« Ah, le voilà. »

Sautant agilement de son perchoir, l’unseelie exécuta une rotation sur elle-même et atterrit au pieds de l’homme, les passants les plus proches s’étant vivement écartés de son point de chute.
Elle se redressa, rajusta la cape sur son épaule gauche et planta son regard le plus rassurant dans celui de Mélin.

« Monsieur Ornedald, fit elle en saluant. Mon nom est Darsha Raoryn et je suis chargée de répondre à votre demande d‘aide transmise aux Unseelies pour retrouver vos enfants. Vous pouvez me faire confiance. »

Elle jeta un coup d’œil autour d’elle. Le brouhaha de la foule la dérangeait au plus haut point. Tendant le bras, elle entraîna l’homme vers les arches qui se dressaient, plus calmes et vides, à la périphérie de la place. Puis elle reprit.

« J’ai besoin de tous les détails que vous pourrez me fournir, sur ce qui s’est passé et quand précisément. Je veux aussi que vous me décriviez chacun de vos enfants, d’abord physiquement. Et que vous me parliez de leurs caractères.
Sans oublier leurs noms. »

Sur ces mots, elle plongea la main dans les pans de sa cape et en sortit un demi rouleau de parchemin et un fusain pour prendre des notes.

Mélin Ornedald

Aux paroles de la jeune femme, Mélin eut un rire nerveux. Décrire chacun de ses enfants de manière la plus précise qui soit ? C'est à peine s'il parvenait à retenir leurs six dates de naissance. Il avait toujours compté sur sa femme pour le reste, et puis il y avait les triplés...
Il soupira pour passer une main ennuyée sur sa barbe naissante :

"Il se peut que j'oublie certains critères. Je vais tenter de faire au mieux. Il y a d'abord l'aînée Merwen. Elle a dix ans et est assez grande, robuste. Ses cheveux sont bruns secs et raides, ne dépassent pas ses épaules. Il me semble qu'elle portait aujourd'hui une veste de cuir pauvre. Elle aime beaucoup les combats et tout ce qui y touche. Elle rêve d'appartenir plus tard à une caste... ou devenir mercenaire. Elle s'identifie beaucoup aux guerriers les plus connus et se passionnent de leurs vies... Je, c'est tout pour elle.

Ensuite il y a les triplés. Ils ont huit ans et se ressemblent tous, évidemment... Cheveux bruns très courts et plutôt petits...hérités de leur mère pour ça.... Ils s'appellent Trevor, Deker et Black. Je crois, que ce sont eux les pires... Ils se comprennent d'un regard et ont un penchant pour les blagues de mauvais goûts. Ils passent leur temps à les tester sur les personnes qu'ils peuvent croiser, j'espérais que Merwen puisse les retenir... Ce qui est certain c'est que vous les trouverez dans un lieu où, justement, un enfant ne devrait jamais se trouver.

Gregorian a lui, sept ans. Châtain, catogan, assez malingre. C'est le plus calme d'entre tous. Il est très rêveur et veut voyager plus tard. Je n'ai rien à ajouter de plus, mais il répondra assez vivement à votre appel je pense...

Maty me ressemble beaucoup. Il n'a que cinq ans mais il est très vif pour son âge, vous savez ? Il aime tout ce qui touche à l'étrange. Parfois cela vire un peu à l'horreur et au morbide... Il est assez, spécial. Je crains qu'il ne cherche à se cacher en vous entendant arriver. Ce gosse, n'est vraiment pas comme les autres...

Je n'ai pas parlé trop vite, vous avez tout ?"

Sa main cessa de courir sur le parchemin, et elle rangea son fusain d'un air satisfait.
"Merci, Monsieur Ornedald. Ce que vous me dites va beaucoup m'aider. Je ne pense pas que les retrouver pose énormément de problème, il faudra peut-être un peu de temps... surtout pour Black et Deker, j'imagine... mais jouer contre le temps, c'est mon domaine après tout.
Je vous ramènerai vos enfants ici, un par un ou à plusieurs, ce sera selon. Ne vous éloignez pas. Le cas échéant, il vous faudra venir les chercher à la forteresse des Unseelies... ou mieux, à la Milice... oh, oui. J'ai une certaine connaissance là-bas qui a toujours rêêêvé d'être père de famille nombreuse, oui... garder vos enfants lui ferait, j'en suis sûre, un plaisir immense..."

Et elle s'éclipsa par une des rues qui rayonnait de la place. Rue qui conduisait à la Milice.

Mélin Ornedald

Mélin resta longuement stupéfait de par l'attitude tranquille de la jeune fille. Ce ne fut que de longues minutes après que la silhouette est disparue, qu'il se décida à retrouver ses moyens pour cligner longuement des yeux, croyant avoir rêvé.
Tout simplement hébété, il ne put que balbutier en se grattant la tête d'incompréhension :

"Une dingue... C'est une dingue."

» [Sus' aux monstres : Merwen, II]
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