Skaven et compagnie

Le Chao...oui, bien sur.
Mais pour Carmina, le Chao ne voulait rien dire. Et avoir peur était une absurdité lorsque la peur n'offrait rien.
Pour cela donc, Carmina s'engagea à la suite de Tran'k sans ressentir de peur.
Non.
Juste l'assurance que sa vie pouvait se jouer là.
Ni plus, ni moins.
La guerrière avait toujours été confiante en elle, tout en sachant
pertinemment que c'était sur cette confiance que se basait sa survie:
Pas assez de confiance, et elle mourrait.
Trop de confiance, et elle mourrait.
La vie n'était qu'une question d'équilibre.
Elle marchait sur ce filin depuis sa naissance.

Ils progressaient dans la pénombre faiblement éclairée, et, l'arc à la main, Carmina était sur ses gardes.
Au bout d'un quart d'heure de marche, ils arrivèrent bientôt à un
croisement dans les galeries: le tunnel s'élargissait en une petite
caverne qui était en fait l'intersection de trois voix. Deux chemins
s'offraient à eux, lorsqu'un grognement d'agonie leur parvint.

En effet, dans les ténèbres du tunnel de gauche, un être repoussant gisait là, une flèche fichée entre ses deux yeux rouges.

Les regards se tournèrent vers Carmina, qui, son arc à la main, considérait calmement sa victime.
Certainement un espion. Ou peut-être bien un garde.
Mais un Skaven, assurément.
Ce sur quoi Carmina, se tournant vers son supérieur, déclara sur le ton de la conversation:
_Je ne l'aurais pas aperçu si l'éclat de ses yeux à la lumière du djinn ne
l'avait pas trahi. Toi qui as le livre de la Reine Elfe, de quoi
s'agit-il exactement, mon chou?

Tran'k s'approcha à son tour pour s'accroupir au niveau du cadavre dégageant une odeur pestilentielle ressemblant fort à celle qui flottait dans l'air.
En pire.

"Hum..."

Le blond souleva un membre poilu mais fort bien musclé de la créature avec
une légère mine dégoûtée. Puis examinant minutieusement sa morphologie, il lâcha finalement ce qui devait être un bras pour tirer son livre et le feuilletait rapidement.
Finalement au bout de plusieurs minutes il releva le nez pour fixer un instant la tête du rong...machin et reporter ses yeux sur son bouquin, puis les relever vers le cadavre, pour fixer à nouveau ses pages.

"J'ai bien la créature en elle-même dans mon livre. Mais j'ai seulement son nom : Skaven. Je n'ai aucune autre précision contrairement aux autres créatures. Ce qui voudrait dire qu'elle n'est pas assez intéressante pour être détailler... Or je ressens très bien la présence d'esprits supérieurs et je suis sûr que ces...charmantes, bestioles sont liées à eux. Et ça, c'est tout sauf inintéressant."

Tran'k referma son livre d'un geste sec pour le ranger à nouveau et se relever, portant son regard sur les environs. Cette histoire commençait à l'inquiéter quelque peu.

"Néanmoins que fait-il ici ? Ne serions-nous pas les premiers à passer par ici ou sommes-nous dans un endroit très éloigné du reste de la colonie ? Parce
qu'il ne faut pas espérer échapper aux poils, la chose doit avoir des confrères dans le coin vu l'odeur..."

La voleuse s'approcha du cadavre, mais ne l'examina pas. Il y avait plus intéressant. Elle scruta l'obscurité des deux galeries qui s'offraient à eux. Elles étaient en tous points identiques l'une à l'autre - excepté le cadavre du Skaven qui venait de celle de gauche.
Il n'y avait aucun courant d'air, ni d'un côté ni de l'autre. Pas moyen donc de savoir par où se trouvait la sortie à l'air libre - si tant est qu'il y en ait eu une.
Cependant, il y avait matière à réflexion :

_ Dites moi, je suppose que cette créature vient d'une colonie, d'un regroupement de ses congénères, voire d'une ville. Or, quand on veut défendre les alentours une ville, même souterraine, on n'envoie pas de combattants patrouiller seuls, n'est-ce pas ? Et je ne vois ni ne sens aucun autre rongeur dans les alentours immédiats...

Elle fit quelques pas en direction de la voie de droite et la désigna aux autres.

_ Je pense donc que...loin de faire une ronde comme on aurait pu le supposer, ce Skaven fuyait - ou du moins quittait seul sa ville. Par conséquent...

Elle tourna sur elle-même et se dirigea cette fois-ci vers la voie de gauche.

_ Si nous voulons allez passer le bonjour à ces charmantes bestioles, je pense que nous devons emprunter ce chemin. En tout cas, je suis partante pour cette option. Et si mon raisonnement s'avère faux, il y a une seconde possibilité : Si les Skaven n'envoient qu'une sentinelle patrouiller dans ce secteur, c'est qu'ils ne s'attendent pas à une attaque provenant de ce côté. Ce qui joue à notre avantage.
Qu'en pensez vous ? fit-elle avec un sourire en coin tout en calant son épée sur son épaule.

Tran'k hocha la tête, jouant avec une de ses mèches de cheveux. Le Commandant était en pleine réflexion et analysait les propos de la jeune voleuse.

"En effet, l'on peut supposer cela. C'est même très probable.
Je doute cependant que les attaquer serait une bonne idée. Je peux parfaitement ressentir la présence des Esprits supérieurs et ils sont en surnombre par rapport à nous. Se lancer tête baissée même au moment où ils ne s'y attendent pas serait du suicide. Nous ne connaissons pas de plus combien ces autres bestioles sont, ni où ces galeries vont nous mener."

Le blond accompagna ses paroles tout en désignant tour à tour le cadavre et les lieux qui les entouraient du doigt, pour finalement se tourner tout entier vers la galerie de gauche.
Noir.

"Je ne doute pas qu'ils finiront bien par nous envoyer la réponse d'eux-même. Contentons-nous d'avancer prudemment et de parer leurs attaques. Nous verrons la suite plus tard."

Ulfedr s'avança dans le sombre tunnel, celui qui sentait le moins. C'était une habitude qu'il avait prise grâce à un vieux mage Thuata, quand il était encore dans l'autre camp. Ledit mage n'avait cependant pas eu de chance, car peu après qu'il eut appliqué cette règle, il s'était fait attaquer par une horde d'orques des cavernes puis fut défait par un puissant esprit supérieur, un Prince du Chaos nommé Baal'rhog.
Ah... les souvenirs.

Alors qu'il était plongé dans la plus profonde obscurité, après une marche dont il n'aurait sû dire si elle avait duré cinq minutes ou deux heures, Ulfedr pû apercevoir à une distance indéfinie une légère lueur. Le lycanthrope pressa le pas (ou plutôt la course) puis s'arrêta. Ce n'était pas une lueur naturelle...
A moins qu'un feu puisse briller d'une lumière verte.

Il se retourna et murmura au reste du groupe :
-Attention, on arrive près d'un groupe d'entre eux. A en juger par l'odeur, ils sont soit 10 petits, soit 6 gros. A une trentaine de mètres, et... Mais qu'est-ce que c'est ?

Le semi-loup leva la truffe en l'air.
-Il y a une odeur de viande crue et de sang. Une odeur de peur...

Darsha rejoignit Ulfedr en quelques enjambées et se mit sur la pointe des pieds pour apercevoir ce qui l'avait fait s'arrêter.
Une lueur verdâtre qui, dans cette obscurité, semblait éclatante. Elle ne semblait pas provenir d'un projectile puisque ne se déplaçait pas, ni d'une fluorescence naturelle puisqu'elle tremblait légèrement. Il n'y avait donc qu'une explication.

"Ils ont un mage, un chaman, un sorcier, quel que ce soit le nom qu'ils lui donnent. Peut-être même en ont ils plusieurs, dit-elle à voix basse. Puisque visiblement on va devoir les combattre, il faudra faire attention à lui. Six ou dix...c'est négociable je pense."

Puis, fronçant les sourcils aux paroles du loup :

"De la viande crue ? De la peur ? Ils mettent à mort une créature ou ils pique-niquent ?"

Ulfedr se pourlécha les crocs aux dires de Darsha.

-S'il te plaît, ne me parle pas de pique-ni...

Il fut soudainement interrompu par un brusque changement de luminosité provenant de la salle. Il y eu un flash de lumière, une onde qui tenait plus du goût que du toucher où l'on sentait une haine vieille de plusieurs millénaires, puis il y eu un hurlement de douleur, suivit de ce qui semblait être une suite de jurons et d'insanités. Ulfedr se tourna vers Tran'k Eter

-Je pense plutôt que nos petits amis torturent un prisonnier. Capitaine, cela vous dirais-t-il de voler à son secours ?

La voleuse sourit à la réaction du wulf...du ventre du wulfen. Elle n'avait pourtant pas fait exprès - pour une fois - de faire allusion à la nourriture en sa présence.
Puis le hurlement de douleur lui fit retrouver un air sérieux. Ces créatures ne palisantaient pas, et le flot d'invectives apparemment bien corsées qui suivit ne faisait que confirmer cette idée.
Darsha avait déjà pratiqué la torture, mais à Zalera celle-ci suivait des règles bien précises et était bien plus souvent mentale que physique. Elle n'avait jamais, dans des séances physique, eu à faire hurler de la sorte sa victime, puisque selon ses maîtres la torture la plus aboutie est celle qui atteint son but avant même d'avoir débuté. Et elle y arrivait très bien ainsi.
Mais, visiblement, ces êtres n'avaient pas reçu le même enseignement qu'elle.
Elle raffermit sa prise sur le manche de son épée .

"Commandant, souffla-t-elle à Ulfedr d'un air désapprobateur, il est commandant"

Des cris stridents. Des cris à n'en plus en finir. Des cris d'être vivant torturé. Cela ne semblait pas être le genre de musique que la voleuse ou même pas mal d'autres voyageurs semblaient apprécier le plus. Du moins, c'est ce qu'elle pouvait déduire en regardant les mains bien accrochées sur les manches d'épées. Elle même était prête à dégainer ses dagues en cas de problème. Mais la perspective de passer outre était impossible. Il fallait tout de même avancer, à pas de loup et attaquer par surprise quand il le faudrait, s'il le fallait. Louxira avait bien envie de sortir ses dagues pour partir à la chasse aux gros, ou aux petits. Mais elle ne connaissait pas leur force. A être trop motivée, elle pourrait se faire vraiment mal.

Pourtant les cris strident continuaient et les lumières aussi. Elle avait rejoint Darsha et Ulfedr sur la pointe des pied, intriguée par ce qu'ils avaient put voir. De la lumière. Elle ne pouvait pas dire si elle restait tout le temps la même vu qu'elle venait de s'avancer à leur hauteur. Personne ne parlait à voix haute. Etait-ce juste une coïncidence ou un fait ? Ne devaient ont vraiment courir aucun risque ?

Il n'empêche qu'elle resta là, sans bouger, entendant tout ce qu'elle pouvait entendre, voyant tout ce qu'elle pouvait voir. Attendant de savoir ce qu'il y avait à faire ...

Comme à son habitude, Tran'k était resté d'un passif certain. Le regard allumé de l'habituelle flamme de motivation du blond -c'est à dire le quart du trentième de la motivation normale pour un être humain dont le seul intérêt se porte sur son ventre (ou un wulfen)-, le commandant s'était approché à son tour. Au contraire des autres, il n'avait pas dissimulé le bruit de ses pas et n'avait, semble-t-il, pas plus réagit que cela aux cris de douleurs.
Toute son attention semblait reposer uniquement sur l'étrange lueur verte qui avait aiguisé sa curiosité au maximum. Et dans le regard du rusé blond pouvait se lire de nombreuses questions restant sans réponse, patientant sagement. Bien évidemment, elles ne patienteraient pas longtemps, Tran'k n'était pas doué pour ce genre de choses.
Aussi déjà il s'avançait d'un pas tranquille en direction du groupe, levant une main amicale en guise de salut précaire à l'attention des hommes-rats ou rats-hommes (cela aussi était une de ses nombreuses questions).

"Bien le bonjour, messieux... Vos sorciers ont d'incroyables capacités pour créer ainsi un feu vert. Je n'avais jamais vu cela...vous pourriez m'expliquer comment l'on réalise ce merveilleux tour ?"

Le ton était celui d'un gamin curieux. Sans plus attendre, Tran'k s'était accroupi au niveau du feu vert, sous le regard interloqué des cinq hommes-rats se tenant en cercle autour d'une masse informe parcourue de tremblements et grognant de temps à autre.
Le commandant y posa d'ailleurs les yeux un instant pour reporter son regard sur les "joyeux participants". Cette fois aucun enjouement ne s'y trouvait et seule l'étrange clarté substisstait dans les orbes tranquilles du blond.

"D'autant plus que l'heure n'est plus aux tortures et haine ancestrale. Relachez donc ce nain et venez m'expliquer...cela sera une bien meilleure action, non ?"

Ulfedr se figea de stupeur en voyant le capidant entamer la discussion. Il regarda les skavens se retourner, l'air surpris de ce faire interrompre de cette manière au milieu de leur... travail. Il y avaient là quatre hommes-rats (ou rats-hommes, mais les humains disent homme-rat parce qu'ils sont très égocentriques) de piètre apparence, portants des cottes de mailles rouillées et mal assemblées et des épées tordues, que l'on avait du mal à distinguer de la terre. L'être qui semblait être leur chef avait deux paires de cornes, deux droites et deux enroulées sur elles-mêmes, comme celles d'un bélier. Il était habillée d'une longue robe qui paraissait imaculée à côté des habits des autres, mais qui était tachée de sang, de bile et d'autres substance... moins reconnaissables. Il regarda le capitaine lui parler, la tête penchée sur le côté puis lui répondis :

-Pitoyable chose-homme, crois-tu vraiment qu'il te suffise de demander-demander pour qu'on libère ce ridicule-inutile-impotent-faible chose-petite ? Je me ferais un plaisir de t'arracher la langue, dès que je lui aurais pris la sienne-sienne !

Puis il se retourner et prononça quelque chose d'incompréhensible aux autres skavens. Ulfedr sourit en les voyant s'avancer. Il n'en ferait qu'une bouchée !
Il se jeta sur l'un d'entre eux en évitant le coup descendant qui était destiné à son crâne. Le skaven donna un coup de taille et Ulfedr esquiva en se baissant. Il se jeta dans l'ouverture de la garde de son adversaire, et lui arracha la tête d'un coup de griffe.

Puis le rat-ogre sortit des ombres en hurlant

Puis le rat-ogre sortit des ombres en hurlant.

Il fut stoppé dans son élan. Brutalement. Il essaya de bouger sa petite tête aux yeux enfoncés.
Il ne put pas.
Darsha avait bondi, son épée sur l'épaule, une expression de jubilation sur la visage. Au milieu de son saut, déployant les bras d'un mouvement violent, elle avait bloqué le cou presque inexistant du monstre entre les bords de son épée.

"YAAAAahaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !"

Presque immédiatement, et avant qu'il ait pu lui mettre un coup, elle acheva son saut, prit appui sur les épaules de l'ogre et se jeta en arrière. Des lambeaux de chair arrachés volèrent, faisant entrer le monstre dans une rage inouïe.
La voleuse se réceptionna après une souplesse dorsale et fonça de nouveau à l'assaut, son épée au ras du sol.
Elle courba l'échine pour esquiver un coup, arriva aux pieds du rat-ogre, s'accroupit, puis d'une brusque détente lui porta un coup montant d'une extrème violence. Le sang gicla.
Il riposta. Elle bloqua le coup du plat de la lame et lui balaya les jambes du tranchant.
Mais la bête avait le cuir épais et le dernier coup de la jeune fille d'eut pas tout l'effet qu'il aurait dû avoir. Il chancela à peine.
Elle se fendit, feinta à droite et tournoya sur elle-même pour le contourner par la gauche.

Tran'k quant à lui semblait ne pas avoir pris conscience du revirement de situation. Les yeux dans le vague, il avait regardé sans vraiment le voir l'affrontement entre les rats-hommes, ou hommes-rats, et ses équipiers. Il n'avait pas bougé d'un cil, ni même lorsqu'Ulfedr avait foncé dans la masse sans plus de questions et encore moins lorsque le rat-ogre, ou l'ogre-rat, avait fait son apparition.
Peut être ses paupières s'étaient telles fermées le temps d'une seconde alors que Darsha faisait joyeusement gicler le sang, mais au final ses actions furent réduites à leur plus simple expression : une passivité étonnante.

Ce ne fut que bien après qu'il bougea enfin. Mais ce ne fut pas pour dégainer son cher Mitsuki ou bien même envoyer une bonne trampe au chef de la joyeuse bande qui se trouvait non loin de là, à le fixer de ces petits yeux exorbités. Non, il se pencha sur le nain à terre pour le scruter sans poser une seule fois une main sur lui.
Et finalement le Commandant se redressa quelque peu pour héler Carmina :

"Je pense, qu'il aura besoin de soins. Ils l'ont salement amôché."

"Que crois-tu faible-ignard-méprisable-humain-sans valeur ? Tu fais bien-mal pitié de te soucier de cette larve visqueuse-ordure-souillure cet-cet immondice-repoussant-abject nain !"

Cette fois enfin, une flamme caressa le visage repoussant de la créature. Poussant un cri surpris et insupportable, le chef s'éloigna d'un bond sous le regard plus aggressif de Tran'k qui, par miracle, s'était décidé à se réveiller. Sans plus patienter davantage, le Commandant s'élança...avant qu'une boule de flammes vertes ne viennent stopper sa course.
Un des Skavens, sorcier sans doute, s'était décidé à prêter main forte à son supérieur. Mais cela ne fit que faire sourire davantage, et d'un étrange sourire loin d'être amical, le blond qui leva son katana dont les flammes s'instensifièrent.

"Puisque cela est une invitation..."

Et finalement ce fut les flammes sombres du Commandant qui eurent raison...

Ulfedr toussait.
Il pouvait se le permettre : il ne devait plus guère y avoir de skaven dans les environs, et il ne pouvait de toute façon pas s'en empêcher.
Les cendres voletaient dans la pièce, retombant sur toute chose en une fine couche grise. Ulfedr s'ébroua pour se débarrasser de ce linceul terne et regarda d'un air mi-amusé, mi-désabusé les restes du gigantesque Rat-ogre qui se tenait devant lui l'instant d'avant. Un petit tas de cendres dans lequel on pouvait retrouver quelques bouts de crocs, et des fragments d'une pierre verdâtre et luisante, malsaine.

-Tout dans la finesse, Commandant. Même pas besoin de nettoyer-nettoyer.

Il se tourna vers le nain en émettant une quinte de toux.

-Hmmm... Amoché, le bestiaux. Tu survivras, mon gars, dis-moi. Hein ? Tu survivras ? Juste le temps qu'on te ramène à la surface...

Le gars en question lâcha un grognement et cracha du sang.

-Carmina, on a besoin de tes herbes !

Carmina avait attendu sagement que les ennemis soient éliminés, tout en sortant un mortier et un pilon de son sac, des bandes, divers instruments tranchants, une multitude de fioles en tout genre.
Elle s'approcha de la victime.
Le nain la fixa d'un œil vitreux, pâle comme la mort, avant de vomir du sang puis de perdre connaissance. La guérisseuse déchira les loques de tissus qui restaient encore sur le dos du nain afin de l'examiner.
Les rats avaient pratiqué des incisions sur tout son corps. Il y en avait un multitude, de la plus fine à la plus large, si bien que l'on apercevait par endroit les os.
Il avait de plus diverses brûlures pratiquées certainement avec cet étrange feux vert, et les brûlures en question semblaient continuer de consumer la peau, lentement.
Carmina appliqua un cataplasme sur les brûlures et un onguent sur les plaies.
Puis elle se mit à chanter d'une voix gutturale, une voix qui aspirait l'énergie environnante. Le chant se mua progressivement en un doux fredonnement, et tandis qu'elle tenait entre ses doigts les bords d'une plaie particulièrement profonde, la peau se ressouda, ne laissant qu'une fine balafre.
Elle en fit de même pour toutes les plaies les plus profondes. Parfois, avant de refermer la plaie, elle saisissait l'un de ses instruments et découpait la chaire la plus meurtrie, afin de faire des contours plus net pouvant se ressouder plus facilement.
Puis il resta les petites plaies. Elle saisit du fil et une aiguille et entreprit de faire des points de suture.
Enfin, il restait des os cassés: trois côtes, manifestement, et le cubitus et le radius du bras droit.
Elle sortit les bandes et broya des herbes dans son mortier, au quelles elle ajouta un épais liquide vert-brûnatre. Elle banda le bras du nain et recouvrit les bandes de mixture brune, jusqu'à ce qu'il en soit imbibé.
Pour les côtes, elle appliqua la mixture à même la peau, en cataplsame.
Elle chanta à nouveau, d'un chant sembabla à celui qu'elle avait utilisé pour ressouder la peau, mais en plus fort et en plus assuré. Il s'agissait de ressouder les os.
Carmina suait, tremblait, mais ne s'arrêtait pas. Elle avait conscience qu'elle ne pourrait pas totalement ressouder les os. Elle pouvait juste accellérer le processus, mais il devrait se faire tout seul.
Elle allait l'aider sur le début, entamer la guérison pour qu'il tienne debout, mais les os seraient encore fragilisés.
Enfin, elle cessa de chanter.
Le nain était toujours pâle. Elle lui versa un liquide épais et rouge dans la bouche, puis le fit déglutir, et recommença trios fois, jusqu'à en avoir verser la moitié du flacon.
_Il a perdu beaucoup de sang, il est trop affaibli par l'anémie. Malheureusement, comme c'est un nain, je doute que nous puissions lui donner notre sang. Il va donc falloir le porter jusqu'à la cité naine la plus proche afin de trouver un de ses congénères qui accepte de lui en faire don.
Carmina plia sa couverture en deux dans la longueur et l'étendit au sol.
_Il doit rester allongé, ses os ne sont pas solides. De plus, il a des brûlures inquiétantes et assez graves. J'ai appliqué un cataplasme dessus mais j'attends de voir comment elles y réagissent pour tenter un chant ou quoi que ce soit de plus poussé, vu que je ne connais pas l'origine du feu vert qui les a causées. On dirait que le feu continue à dévorer lentement sa chaire. Par conséquent, pour le déplacer, on va se servir de la couverture comme brancard improvisé en la tendant au maximum pour que le nain ne soit pas plié.
Elle tourna la tête du nain sur le côté gauche pour qu'il ne s'étouffe pas dans ses régurgitations.
_Ulfedr, tu vas m'aider à porter, tu pourras supporter le poids longtemps si il le faut. J'aurais bien demandé à Tran'k mais il vaut mieux qu'il ait les mains libres, étant celui le plus apte à nous défendre en cas d'attaque.
Blême, trempée de sueur, Carmina sortit une énième fiole, transparente comme de l'eau celle là. Elle la débouchonna avec les dents, les mains tremblantes, et vida son contenu cul sec.
Elle ferma les yeux, inspira à quatre reprises, les mains grandes ouvertes, doigts tendus vers le sol, puis elle porta la main gauche à son pendantif en forme de lune.
Alors elle rouvrit les yeux, effaçant toute trace de fatigue.
_C'est bon, allons y.
Elle saisit les deux extrémités avant de la couverture.

Les cendres retombaient lentement.
Elles voletaient ça et là, éphémères indices de vie dévorées par les flammes. Darsha leva la main t agita les doigts : elles s’écartèrent immédiatement, accélérant brusquement leurs courses respectives. Chacune suivait une trajectoire différente mais au final, toutes se retrouvaient au sol, cendre parmi les cendre.
Cela inspira à la jeune fille une curieuse analogie. Les êtres humains étaient semblables à ces cendres. Aucun ne suit le même chemin qu’un autre, mais le départ et l’arrivée sont communes à tous ; à la moindre perturbation, ils s’égaient et se séparent, puis continuent leur route. Jusqu’à l’arrivée fatale.
Elle venait là de saisir un pan de la philosophie Unseelie qu’elle n’avait jamais compris de façon aussi claire auparavant. Maintenant qu’elle avait formulé cette métaphore, cela lui paraissait d’une évidence affligeante.
Elle baissa le bras.

Cependant Carmina s’affairait-elle à soigner le nain. Curieuse créature.
Somme toute, il était presque en tous points pareil à un homme. Exception faite, naturellement, de sa taille. Si son cerveau suivait les mêmes lois que son apparence, la civilisation naine pouvait fort bien être tout aussi avancée que la leur.
Petite, elle avait entendu quelques contes mentionnant des nains, mais ils y faisaient plutôt figure d’êtres disparus dont de rares représentants croisaient parfois la route du héros ou de l’héroïne, le cas échéant. L’être en face d’elle était bien réel. Concret.
Son peuple devait donc l’être aussi.
Qui dit peuple civilisé dit ennemi potentiel ou allié potentiel. La préoccupation de Darsha à cet instant se résumait par cette phrase. Les nains étaient susceptibles de rejoindre Nyx ou Dana, voire de se diviser.
Un autre cas de figure était possible, néanmoins. Les skavens et les nains étaient apparemment ennemis : peut-être ces derniers seraient ils trop occupés par leurs propres problèmes pour se mêler de ceux des peuples d’Avalon.
Quoiqu’il en soit, elle devait en informer Nyx le plus vite possible - de plus, son rang d‘officier l‘y obligeait. Au plus tard à son retour, elle établirait un rapport et demanderait la tenue d’une assemblée. En attendant de pouvoir envoyer au moins une brève missive, elle devait recueillir toutes les informations possibles.

Sur le moment, elle se contenta de sortir une de ses fioles de cristal épais, remplie de vodka ; elle la déboucha, s’approcha de la civière improvisée avant que Carmina et Ulfedr ne la soulèvent et fit boire deux gorgées au blessé.
C’était ce qu’elle faisait pour ranimer ses camarades tombés en hypotermie lors de leurs escapades dans les bois figés de Zalera. Ou dans les catacombes aux cadavres parfaitement conservés de la cité. Ou sur les toits glissants des tourelles d’enceinte.
Bref, l’efficacité de la méthode n’était plus à prouver.

De son côté, Tran'k Eter valeureux Commandant de la milice et ancien bras droit de Nyx, envisageait la possibilité, mais envisager seulement, qu'il n'y avait plus d'ennemis pour l'instant. Poussant un soupir à fendre l'âme qui valait bien les mines les plus attendrissantes des jeunes runedeaux, il rengaina Mitsuki pour s'approcher du reste du groupe massé autour du nain, se demandant cependant toujours intérieurement quel sadique avait bien pu prendre ce petit plaisir que de tuer tous les Skavens.
Vraiment mais quel sans cœur celui-là !

Percevant les propos de son amie quant à l'état plus qu'inquétitant du nain, Tran'k se décida à faire le point sur la situation et les différentes options qui se présentaient à eux. Ils s'étaient décidés à continuer parmi les souterrains, la tempête faisant rage au-dehors. Seulement, il était certain qu'ils faisaient route vers un nid de Skavens en voulant fuir les éléments de la nature. Cela aurait pu être encore envisageable de parvenir à trouver leur chemin parmi les profondeurs sans faire trop d'autres mauvaises rencontres s'il n'y avait pas eu ce nain et la haise qui existait entre les deux peuples.

"Revenons en arrière. La tempête s'est sûrement calmée à l'heure qu'il est. Mis à part si nous sommes décidés à sacrifier la vie de ce nain, il n'est certainement pas question de continuer notre avancée dans de telles conditions. Ta ville n'est plus très loin n'est-ce pas ?"

La petite masse gémissante qui venait de reprendre ses esprits grommela ce qui devait s'apparenter à une affirmation. Tran'k hocha la tête tout en faisant volte-face. Ils venaient de perdre un temps précieux, mais la prudence était mère de sureté. Bon d'accord, ce proverbe n'était pas de lui mais de Serafim. Ssccht !
Dans tous les cas, ils n'étaient plus en mesure de s'opposer correctement contre un bataillon de Skavens. Même s'il restait en état, Carmina venait de dépenser une importante quantité d'énergie pour soigner le nain et les autres finiraient bien par fatiguer un moment ou un autre. Allié au brancard que désormais ils devaient transporter et la certitude qu'il leur faudrait du temps pour se retrouver parmi les souterrains...
Non, c'était de la folie. Et pour une fois le Commandant était décidé à choisir la voie de la raison. Il aurait été seul que sa décision n'aurait pas été la même. Mais maintenant, une vie reposait sur leurs épaules.

"Nous ne sommes pas tant éloignés de la grotte. Demi-tour, la route la plus courte et la plus sûre sera celle de l'extérieur. Ce nain a besoin de soins plus important et d'une situation propice à cela. De toutes manières, je crois bien que cette histoire de Skavens et loin d'être terminé..."