Levy-boy ! [M]

(>> Milice)

Tran'k avait eu pour une fois une idée particulièrement lumineuse (chose extrêmement rare que certaines de ses connaissances s'amusaient à compter : ils avaient assez de doigts pour cela). D'abord attiré par la plage et l'étendue d'eau à l'horizo...Heu non. Cela ne l'attirait pas du tout et il n'avait qu'une envie : retourner à la milice pioncer en paix sur son bureau fracassé.
Le fait est que son esprit loufoque avait finalement cédé face au guerrier raisonnable (notez cet(te ?) oxymore), et qu'il avait envisagé, envisagé !, de se rendre plutôt sur les falaises pour avoir une meilleure vue des environs et repérer toute activité inte...marine suspicieuse.
Aussi le beau et fier commandant de la milice, campé sur ses deux vigoureuses jambes, scrutait l'horizo...Ah non. Tran'k admirait le gracieux vol d'un lépidoptère (jaune cela va de soi) et ses petites ailes minuscules qu'il crevait d'envie de brûler une bonne fois pour toute. La passion de Tran'k était toujours ainsi, particulièrement ardente.

"Jolliiii..." Marmonna béatement le blondinet, non-conscient du fait qu'il était censé diriger le petit groupe de volontaires pour aller trucider un futur léviathan en puissance dont la force l'écraserait aisément lui tout seul, ou du moins, le gaverait de flotte jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Peut être qu'au final, le valeureux commandant se faisait-il passer pour un crétin dans l'espoir de dissimuler ses membres tremblants à l'idée d'une douche loin de là désirée.

Il n'aimait VRAIMENT pas l'eau.

L'océan était maussade.
Les embruns, portés par le vent, leurs fouettaient le visage alors même qu'ils se trouvaient sur les falaises. L'eau était grise et les vagues étaient d'acier.
Les oiseaux marins lançaient des appels qui résonnaient froidement dans l'air salé, et il n'y avait plus mélancolique spectacle au monde que l'étendue houleuse et miroitante qui s'étendait à perte de vue.
L'océan était maussade, et Darsha adorait ça.

Elle était presque certaine que si elle n'avait pas choisi la voie des combattants, elle se serait embarquée sur un bateau en partance du port d'ambre de Zalera et aurait passé sa vie à naviguer.
Peut-être était-ce une piste pour son avenir après la fin du conflit des Déesses, si elle vivait assez longtemps pour voir les jours qui viendraient après.

Mais pour l'heure, elle ne pensait qu'à en découdre avec le Léviathan. Oh, bien sûr, elle n'était pas totalement inconsciente. Elle était même très consciente du périlleux de leur entreprise, même avec deux Héros à ses côtés.
Ils pêchaient un sacré poisson, c'était le cas de le dire. Et en eaux troubles de surcroît.
Comment le repérer ?
Comment l'attirer, le cas échéant ?

Elle tourna la tête vers le commandant, qui paraissait complètement ailleurs.
"Commandant, réveillez vous... Ho, Eter ! ETER BORDEYL !"

"Ce n'est pas la peine, Darsha. Il est préoccupé. Il ne réagira pas."

Serafim s'avança, jeta un bref coup d'oeil à l'océan, puis reporta son attention sur le blond tout en essuyant la buée qui s'était formée sur ses lunettes.
Tran'k Eter était décidément une inconnue irrationnelle qui ne changerait jamais. Mais il le connaissait depuis suffisamment longtemps pour reconnaître ses réactions, à défaut de les prévoir.
Il soupira intérieurement.
Quelle était la valeur dominante du caractère du blond, en cet instant ?
Anxieux mon général. Très anxieux même.
Serafim fronça les sourcils - plus qu'ils ne l'étaient déjà. Il n'avait pas vu Tran'k dans cet état depuis des siècles. Depuis la dernière fois qu'ils s'étaient combattus, à bien y réfléchir. La fois où ils avaient eu la volonté de se tuer.

Il fit quelques pas vers le blond et posa sa main glacée sur l'épaule brûlante de celui-ci. Il ne se souvenait pas qu'elle ait jamais paru si fragile.
"Je suis ici. Tu semblais l'oublier."

Y a-t-il quelque chose qui puisse nous arrêter ?
Une chose. Si fragile et si éphémère que l'aube.
Rien d'autre n'en a la force.
Et l'aube est encore loin.

Un autre que Serafim aurait certainement pleuré sa main autrefois valide et désormais sectionnée. Dans cet état de nervosité pure, Tran'k ne contrôlait plus ses réflexes et malgré ce que l'on pouvait croire face aux apparences, il demeurait un guerrier avec des habitudes de guerrier.
Il ne fit que frissonner.

"Tu es gelé..."

Se tournant vers le brun, Tran'k glissa la main glaciale entre ses doigts pour la frotter avec vigueur. C'était inutile, il aurait beau tenter encore et encore, certaines choses demeureraient toujours comme telles. Mais il fallait...il devait le faire. Pour lui-même. Un peu.
Il se reprit pour adresser un pâle sourire à Serafim.

"Tu as raison, c'est stupide. Je ne me noyerai pas... J'essaierai."

Une pause qu'il s'autorisa pour se reprendre. Encore une fois il fallait qu'il pose problème, encore une fois il avait tort. Il était censé les guider et...

"En espérant qu'il se montre rapidement, je ne sais pas ce que peut aimer un serpent de mer et qui pourrait l'attirer..."

On était blondinet ou on ne l'était pas.

Un marquage d'amitié. Une simple camaraderie. Des amis de combats se réconfortant. Un changement de personnalité. A cet endroit, il suffisait de deux personnes pour accomplir ces choses si belles et pourtant si rares de notre temps. Des états d'esprits ne se révélant que dans les pires moments. Dans les instants le précédent du moins. Car le pire était à venir...

Louxira n'avait jamais combattu de Levi-boy. Elle n'en avait même jamais vu en dehors des images dans les livres de la bibliothèque. Elle ne pouvait donc qu'imaginer cette créature dans la réalité, avec tous les caractéristiques qu'elle lui connaissait. Il lui suffisait de voir le nombre de partants pour le combat. Il n'y avait rien de plus explicite...

Elle se doutait donc de leur apparence et de leur puissance. Elle se doutait même trop bien de leur puissance. L'attitude qu'avait Darsha, réservée comparé à sa joie de vivre habituelle et celle des deux Héros, qui se soutenaient mutuellement, n'était pas là pour la rassurer. Ils regardaient tous l'océan. Comme elle d'ailleurs. Il était si grand et si sombre par rapport à sa dernière visite. Si elle avait su auparavant qu'un tel danger menaçait...

"En attendant, si jamais le combat devait commencer dans peu de temps, je vous souhaite bonne chance."