Voyage vers les montagnes du sud - 1

Ils avaient il y a peu quitté le château de Nyx, et Ulfedr était heureux. Ce n'était pas du fait de l'expédition ; après tout, ils se berçaient sans doute d'illusions en croyant pouvoir retrouver l'Epée si facilement. Non, c'était grâce au temps qu'il faisait. L'hiver, délicieuse saison ! La nature redevient pure, et les Thuatas mettaient en suspens leurs attaques contre les Unseelies. Et surtout, Ulfedr n'avait plus faim. La fourrure qui lui portait si chaud pendant les autres saisons était soudainement plus utile, il suait moins et devait moins manger. Et même s'il venait à avoir un petit creux, il était aussitôt comblé par un de ces petits animaux morts de froid où devenus des proies si faciles à attraper du fait de l'hibernation. L'hiver était la meilleure des saisons pour les chasseurs feignants.
Ulfedr était heureux.

Tant qu'aucun autre prédateur ne venait pour le taquiner de ses griffes.

Le wulfen, à pattes, et la voleuse, pressant son cheval, avaient rallié rapidement le bois de sapin. Ils avançaient désormais sous le couvert des longues branches épineuses couverte d'un poudreuse immaculée. Le loup avait l'air heureux, et la voleuse l'était.
Bien que dans sa ville natale, il faisait trop froid la moitié de l'année pour que la neige tombe, elle se sentait presque chez elle dans ce paysage. Mais ce n'était pas la seule raison de sa joie.
Il voyagaient depuis plus d'un tiers du jour, et feraient bientôt une courte pause. Ulfedr pour se reposer et sans doute se restaurer, Darsha pour permettre à sa monture de souffler. La voleuse, et c'était bien de là que venait sa joie, comptait bien profiter de cette pause pour entamer la cartographie de leur voyage. L'encre et les pinceaux qui dormaient dans son sac ne demandaient qu'à être maniés.

Elle ne se trompait pas : une demi lieue plus tard, le cadavre d'un nelge leur barra le passage. L'animal n'était évidemment pas mort de froid - les nelges sont heureux à -20° C - mais certainement tué par un de ces congénères.
Elle ne soupira pas sur la mort du pauvre animal ; d'ailleurs le wulfen se précipitait déjà dessus pour en examiner la viande.
Elle décréta qu'ils s'arrêteraient là une demi-heure, sauta à pieds joints dans la neige et attacha son cheval à un arbre. Après lui avoir sorti un peu de fourrage de ses affaires, elle déballa une petite bouteille d'encre, une plume d'acier et un parchemin, s'adossa à un arbre et employa sa demi-heure à gratter le papier de son écriture anguleuse et de son trait nerveux.
En noir, elle traça un schéma du voyage, puis un plan de la surface du bois du Nord et de la route qui le traversait au dessous. Un peu d'encre bleue signala le fleuve et la région qu'elle soupçonnait être habitée par des nelges - information qui pourrait toujours être utile. De l'encre rouge signala leur chemin et, enfin, elle barra d'un trait l'endroit plus ou moins précis où elle se trouvait.

Voyage vers les montagnes du sud - 1 Carte110

Les kilomètres défilaient sous les coussinets des puissantes pattes de Maga. La louve avait courru tout le jour et une bonne partie de la nuit précédente : après avoir trainassé et finalement loupé le départ, elle avait des compagnons a rattraper. La jeune louve s'était arrêtée quelques fois, il était vrai, pour boire, mais depuis que la température avait fraîchi, que le sol sous ces pattes s'était transformé en un tapis de neige et qu'elle avait, en somme, gagné les montagnes, elle ne s'était plus arrêtée. Elle sentait qu'elle se rapprochait d'eux : elle n'allait plus tarder à les rattraper.
Soudain, elle aperçut une grosse masse qu'elle n'arrivait pas à reconnaître. Intriguée, elle continua tout droit, fonçant droit sur ce tas inerte. Elle comprit enfin, à l'odeur, que c'était un animal mort. Alors elle voulut ralentir sa foulée, mais elle se rendit bien vite compte qu'elle glissait, surement sur une plaque de glace qu'elle n'avait pas pu repérer à cause du manteau neigeux. Elle continua donc sa glissade et percuta le tas de viande avec un couinement de dépit.
La jeune louve grogna et se releva en s'ébouriffant avant d'aller faire le tour de la bête pour... se retrouver nez à nez avec son semblable, Ulfedr. Elle baissa les yeux et regarda ses pattes, honteuse d'avoir couiné bêtement une seconde auparavant et se morfondit encore plus si cela était possible en aperçevant la valeureuse garde Darsha, quelques mètres plus loin, après avoir juste lancé un timide coup d'oeil.

-Bon... Sans commentaires, s'il vous plaît...

Elle se laissa tomber au sol en grommelant que vraiment elle avait été bonne sur ce coup là. Puis, se disant qu'elle devait quand même quelques excuses à Ulfedr et Darsha :

-Et veuillez excuser mon retard. J'étais... hum... partie chasser quand vous avez pris le départ.

Maga baissa les yeux en espérant qu'elle aurait pu faire pire et que les 2 unseelies ne la détesteraient pas pour sa médiocrité de tout à l'heure.

Darsha leva la tête de son parchemin et ouvrit des yeux ronds. Le nuage de poudreuse soulevé par le choc retombé, elle reconnut l’arrivante. Et fronça les sourcils.
Elle attendait la démone Midnight et voilà que la jeune louve déboulait. Après un instant de réflexion, il s’avéra que l’expédition ne perdait rien au change ; la louve étant autrement plus motivée que la démone, apparemment.
La voleuse, rebouchant ses encres et rangeant son parchemin, adressa un sourire sincère à la louve.

« Oï, Maga ! Merci de nous avoir rejoints rapidement. Ça fait pas de mal aux Unseelies d’avoir des soldats toujours prêts à partir. S’pas, Ulfedr ? »

Sans attendre de réponse du wulfen elle fit quelques pas dans la neige, tira sa cape sur ses épaules et, flattant distraitement l’encolure de son cheval, calcula leur itinéraire pour la suite. Sortis du bois, ils laisseraient les Montagnes de fer à l’ouest et entreraient par le Nord-est dans la forêt de Brocéliande, par laquelle ils rallieraient les Montagnes du Sud et, de là, le Pic du Galot.

«Maga, tu peux continuer ou tu préfères te reposer un peu ? On allait repartir mais si tu veux, on reste là plus longtemps. Au fait, Ulfedr, tu projettes qu’on fasse un arrêt au lac, une fois aux Montagnes, ou pas ? »

Maga inclina légèrement sa tête en avant vers Darsha, en signe de gratitude, mais elle refusa avec politesse.

-Je te remercie de ton offre, Darsha, mais il est inutile de perdre votre temps pour moi. Les loups sont très endurants. Si vous deviez repartir alors allons y, à moins que notre compagnon s'y oppose...

La jeune louve espérait qu'Ulfedr ne prendraient pas ses paroles comme une offense. Par ce qu'elle avait dit, elle voulait simplement laisser ses compagnons maîtres de l'expédition, car elle n'était qu'une simple débutante. De toutes façons, elle avait beaucoup trop de respect pour son semblable pour vouloir se le mettre à dos, mais elle ne savait pas non plus comment l'appréhender.
Maga avait aussi et surtout besoin de faire ses preuves car ele n'était pas encore tout à fait sure d'elle, malgré sa fierté de faire maintenant partie des unseelies. Un jour, elle espérait qu'elle aurait autant de prestance que ceux qu'elle croisait tous les jours au château de sa déesse. Peut-être ce voyage était-il l'occasion tant recherchée de mieux s'intégrer.

Ulfedr ne leva la tête de la viande congelée ni quand Maga fit son arrivée ni quand Darsha posa son premier semblant de question, mais à la deuxième il le fit.
-Si nous ferons un arrêt au lac Xéo ? Bien sûr ! Je l'ai dit à la bibliothèque : vers les montagnes Sud, premier arrêt au lac Xéo puis poursuivre vers le Galot...

Il replongea sa truffe dans la nourriture et dévora goulument les entrailles du nelge en débordant un peu partout alentour. Ce n'est que quand il creva le coeur, libérant un jet de sang qui atteind les branches des arbres, qu'Ulfedr cessa de manger et se releva.
-Hum... excusez-moi ; le grand air, ça creuse !

Puis il s'essuya grossièrement le visage dans la neige et avança sur le chemin.
-Heu... on y va ?

Maga regarda Ulfedr et se redressa finalement pour s'ébrouer. Elle le rattrapa en scrutant l'horizon.

-Allons y oui. On va pas rester plantés là toute la journée. Darsha ? Tu nous suis ? Et j'vous signale au passage que j'ai aucune idée de l'endroit où se trouve ce lac Léon... enfin Léio là... heu... Xéio ? Non... c'est pas ça... Mouais... bon... on y va...

Maga marmonna encore un instant entre ses poils tout en marchant dans la direction où Ulfedr avançait. Elle n'allait pas être un compagnon de voyage très enjoué et causant et elle en était désolée mais elle ne savait pas parler aux gens, c'était ainsi depuis qu'elle était une louve.
Elle jeta un coup d'oeil à Darsha qui se mettait en selle, puis se mit à trottiner. La cavalière les rattraperait facilement de toutes façons...

"Excuses moi de ne pas avoir une mémoir infaillible, mon cher petit lukôs," répliqua avec une moue la voleuse au wulfen.
Puis, approuvant les paroles de Maga d'un signe de tête, elle mit le pied à l'étrier et se hissa en selle.
Installant Aenad dans un trot de travail bien régulier, elle considéra avec étonnement les interrogations de la louve, mais ne s'en formalisa pas. Ulfedr et elle savaient où ils allaient.
Après un silence, elle lança tout de même à la louve :

"Le lac Xéo, Maga. C'est aux pieds des Montagnes du Sud. Logique, en fait, il a été créé grâce aux Montagnes."

[[Sujet clos]]

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» Rapport de mission au Montagnes de Fer. [X]