Cal Togi fait son allégeance à Nyx

Togi avançait sur les dalles de pierre du château de la vassalerie, guidé par les indications du garde. Des formes étranges apparaissaient et disparaissaient à la périphérie de son champ de vision, se mouvant dans les recoins sombres du long corridor. Il n'y prêtait pas attention, car elles étaient ses compagnes de toujours, inoffensives et source d'amusement en période d'ennui.
Arrivé devant la porte de la salle du conseil, il tendit ses sens pour tenter de percevoir ce qui l'attendait de l'autre côté, mais nul bruit ne lui parvenait, nulle odeur ne transparaissait, et s'aplatir sur le sol pour goûter l'air ne lui apprit rien. Las, il céda à l'impulsion qui lui dictait de franchir le seuil, se demandant si c'était là le premier ordre que lui donnait Nyx.
La pièce était vide; du moins c'était ce que lui disait sa vue. Il frappa plusieurs fois dans ses mains, et l'écho lui confirma cette première impression: pour autant qu'il puisse en juger, la salle était vide, et seule trônait la table ronde en pierre grise.
Appréciant la décoration plus que spartiate, Togi s'assit en tailleur, le dos au mur, et posa son tulwar à portée de main - on n'est jamais trop prudent. Shrael, son serpent, commençait à le démanger - sa façon d'exprimer son mécontentement -, aussi retira-t-il sa cotte de mailles pour le laisser respirer. Laissant ses pensées dériver, Togi appuya sa tête contre le mur derrière lui, sombrant dans un état de semi-conscience où ses sens le tenaient informé de ce qui se passait dans son environnement immédiat, tout en permettant à son esprit de se reposer.
Il volait sous terre en compagnie d'un lapin fluorescent, lorsqu'il ressentit une présence qui résonna comme une déflagration sous son crâne, le ramenant brusquement à la réalité. Il bondit sur ses pieds à la vitesse de l'éclair, attrapant son tulwar dans le même mouvement. Cependant il ne dégaina pas son arme, car ce geste aurait pu être perçu comme une menace, alors qu'il se trouvait - en principe - en territoire allié. La jeune femme aux cheveux blancs qui lui faisait face semblait amusée par ses réflexes. Son apparence n'était pas des plus impressionnante, mais son aura éblouissait Togi comme s'il fixait un soleil. Il ne pouvait s'agir que de Nyx, maîtresse des puissances obscures de ce monde, aussi baissa-t-il sa garde et s'inclina-t-il, cherchant ainsi à manifester son respect tout autant qu'à épargner ses yeux.

Nyx s'amusait. Comme la plus innocente des enfants.
Une innocente enfant qui tenait en ses mains les vies de milliers d'êtres dévoués à sa cause et prêts à agir au moindre de ses ordres. Une innocente enfant qui pouvait brûler Tirn Ail toute entière si l'envie lui prenait. Une innocente enfant dont les doigts autrefois blancs avaient noirci sous le sang versé.
L'innocence, quelle notion profondément abjecte. En ce monde rien n'était innocent. Pas même les plus douces créatures, pas même les plus belles fleurs, pas même les Thuthas aux valeurs morales dégoulinantes de bons sentiments... Tous étaient coupables. Par les mensonges, par leurs actes, leurs paroles... Au fond, peut être était-elle la plus innocente de tous. Qui sait ?

"Cal Togi... Énonça simplement la Déesse devant son salut respectueux. Une autre...curiosité. Je n'aurai jamais cru que de nouveaux fidèles puissent autant m'intéresser. Comme quoi, même une Déesse peut se surprendre. Cela brise un peu la monotonie..."

Elle eut un sourire...terrifiant tant il paraissait humain.

"Je suis satisfaite de te compter désormais parmi mes rangs. La Cavalerie resplendira représentée ainsi par toi. C'est à la fois un honneur et un lourd fardeau que tous nous supportons. Mais je ne dois t'apprendre rien, tu sais déjà par toi-même."

Faisant une légère pause, Nyx reprit :

"Je te souhaite donc la bienvenue en mes murs. Et je suis toute disposée aux possibles questions que tu aurais à me poser maintenant... N'hésite pas. L'hésitation est l'ennemi du guerrier."

"Je suis satisfaite de te compter désormais parmi mes rangs. La Cavalerie resplendira représentée ainsi par toi. C'est à la fois un honneur et un lourd fardeau que tous nous supportons. Mais je ne dois t'apprendre rien, tu sais déjà par toi-même."
Si Togi se rengorgea intérieurement d'avoir suscité l'intérêt de Nyx - connaître sa valeur est une chose, se l'entendre dire en est une autre -, son visage resta impassible et n'en laissa rien paraître: il avait une image à préserver. Il était Cal Togi, et il était insensible à la pitié comme aux compliments.
"Je te souhaite donc la bienvenue en mes murs. Et je suis toute disposée aux possibles questions que tu aurais à me poser maintenant... N'hésite pas. L'hésitation est l'ennemi du guerrier."
Togi esquissa un sourire - qui chez lui s'apparentait plutôt à un rictus - et répondit:
- Je dirais même que l'hésitation est la première cause de mortalité chez ceux qui vivent par les armes. Aussi me garderai-je d'y succomber. Aucune question ne me vient pour l'instant, mais je saurai où te trouver si j'ai une requête à formuler dans l'avenir.
Se détournant, il ramassa sa cotte de mailles et l'enfila prestement, jetant un regard noir au serpent qui recommençait à le démanger furieusement en signe de protestation.
- Si mes compétences peuvent t'être utiles dans l'immédiat, je suis à ton service, déclara-t-il à l'intention de la déesse qui l'observait.

Nyx repoussa cette proposition d'un hochement de tête.

"Ton dévouement est appréciable mais pour l'heure encore inutile. Prend possession de ces lieux en toute tranquillité. Tu me serviras bien assez tôt et je t'appellerai lorsqu'il sera temps pour toi. Comme pour tous les autres."

Un sourire étirant discrètement le coin de ses lèvres, la Déesse quitta l'appui de l'immense table de pierre pour se diriger vers l'obscurité épaisse d'un coin de la salle. Elle s'y confondit peu à peu, dilua, disparut sans autre explication que le silence qui régna alors, loin de l'écho de ses pas. Laissant ainsi son nouveau Cavalier seul.
Elle était satisfaite.

La déesse sembla se fondre dans les ombres, son corps se délayant dans les formes torturées qui les peuplaient, malgré les efforts que fit Togi pour se concentrer sur ses contours. Seul son sourire énigmatique resta imprimé sur ses rétines, le laissant perplexe.
Haussant les épaules, il passa le tulwar dans son dos et, avec un dernier regard en arrière, sortit de la salle du conseil.
Puis il erra sans but dans le château, découvrant les lieux et observant les créatures qui les peuplaient, afin de satisfaire sa curiosité.

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